R.É.A.A. Rituel des trois premiers degrés selon les anciens cahiers 5829 (1829)

Recension de Rémi Boyer pour la Lettre du Crocodile

R.E.A.A., Rituel des trois premiers degrés selon les anciens cahiers 5829 de Jacques Simon. Préface de Jean-Pierre Lassalle. Éditions Cépaduès, 111 rue Nicolas Vauquelin, 31100 Toulouse.

Si l’histoire du Rite Écossais Ancien et Accepté est mieux connue grâce aux travaux des historiens de la Franc-maçonnerie des trois dernières décennies, il demeure des zones d’ombre notamment sur la mise en œuvre des trois premiers degrés.

La publication de la transcription rigoureuse établie par Jacques Simon du Rituel des trois premiers degrés de 1829 est importante car ces rituels constituent la base sur laquelle se fonde la pratique du R.E.A.A. en Loge bleue.

« Ce rituel, précise Jacques Simon, est le plus ancien rituel connu des trois premiers degrés, présenté sous les auspices du Suprême Conseil de France (SCF). Il succède au Guide des Maçons Écossais, rituel des trois premiers degrés dont la gestion fut assurée entre 1805 et 1816 par le Grand Orient de France (GODF) conformément à un agrément tacite avec le SCF. Le rituel de 1829 a été transmis par des générations de Francs-maçons, d’abord sous les auspices du Suprême Conseil de France jusqu’à la fin du XIXe siècle, puis de la Grande Loge de France (GLDF) jusqu’à ce jour, et cela avec plus ou moins d’évolutions. »

Ont bénéficié de ce rituel de 1829 aussi bien la Grande Loge Féminine de France que la Grande Loge Nationale de France et, de nos jours, « la plupart des obédiences françaises pratiquent aujourd’hui des rituels du REAA directement dérivés du rituel de 1829 ».

Jacques Simon commence par nous rappeler le contexte historique qui a vu l’émergence du R.E.A.A., ce sont « les débuts de l’Écossisme » en France, autour de 1740. Il note les principales évolutions de cette construction, marqué par l’héritage des Ancients à partir de 1853, évolutions, nous dit-il, « liés à des événements historiques touchant l’État, des Institutions, des obédiences, voire des loges ». Il détaille cinq étapes qui ont conduit au rituel de 1829.

Un très intéressant tableau comparatif permet au lecteur d’étudier les données fournies pour chacune de ces étapes depuis 1760, avec la publication du texte Les trois coups distincts, jusqu’à 1829.

« Je pense, nous dit l’auteur, qu’un très petit nombre de degrés constituaient, dans l’origine, la science des mystères, et que longtemps ces mystères ont été contenus dans l’Apprenti, le Compagnon et le Maître. Mais à mesure que l’association s’est étendue, et peut être aussi par des événements particuliers à une communauté d’initiés, les degrés se multiplièrent insensiblement. Si dans la construction des nouveaux grades, on s’était attaché à suivre la première fable admise, tout aurait été bien, sans doute… »

Le système de hauts grades manque de liaison et de cohérence, remarque Jacques Simon en raison d’apports de sources diverses. D’où la grande importance de ces trois premiers degrés qui fonde le rite, en assure l’assise et le rayonnement, en véhicule toute la profondeur spirituelle.

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5 étoiles L. D. Une source précieuse

En diffusant les premiers rituels des loges bleues du REAA pratiqués en France, Jacques Simon donne au chercheur l’occasion unique de remonter aux sources de ces cérémonies. Celles-ci étaient nécessaires afin que le Suprême Conseil de France puisse disposer de ses propres ateliers symboliques, même si ces rituels furent diffusés et pratiqués ultérieurement dans d’autres obédiences continentales, à quelques modifications près. Rappelons cependant que ces trois rituels sont francophones, le REAA dans les pays anglo-saxons ne comprenant pas les trois premiers degrés, le rite de Webb aux USA et les variantes d’Émulation y régnant en maître. Ce document est aussi précieux, car il permet de prendre la mesure des modifications tardives apportées au cours des siècles aux cérémonies.

Qu’en retirer ? Tout d’abord, que son contenu comprend une phrase, peut-être étonnante pour l’époque, à savoir qu’il n’est nul besoin d’être chrétien pour être franc-maçon et qu’un livre de morale pourrait avantageusement remplacer la Bible. Et il est vrai que ce sont les Règlements généraux qui sont sur l’autel, état de situation qui sera maintenu au sein de la Grande Loge de France jusqu’en 1953.

Les rituels disposent de diacres et, au premier degré, la purification de l’impétrant se fait par trois éléments, comme dans le RER, soit par le Feu, l’Eau, la Terre, alors que le Rite Français Moderne ne disposait que des deux premiers. Par ailleurs, le cabinet de réflexion ne dispose pas du coq, du sel et du soufre, que l’on retrouve dans le rite français, et encore moins du Soufre et du mot VITRIOL, apports alchimiques très tardifs datant du XXe siècle. La cérémonie dispose du calice d’amertume. Au grade de Compagnon figurent cinq voyages, le premier avec les outils associés à ce degré, le maillet et le ciseau, un mode de faire probablement inspiré du rite français moderne, et aux cinq sens, le deuxième aux cinq ordres d’architecture, le troisième aux 7 arts libéraux, le quatrième à la géométrie ; muni d’une règle et d’une équerre, le futur compagnon contemple les représentations d’un globe terrestre et d’une sphère céleste. Enfin, dans le cinquième, l’initié apprend à classer et à se servir de tout ce qu’il a appris dans les voyages précédents. Si les trois premiers degrés du REAA sont mis en rapport avec les trois âges de l’Homme, les cinq voyages du compagnon sont associés aux saisons annuelles. Quant au troisième degré, il est relié au cycle solaire, et le dernier maître joue le rôle de l’architecte assassiné gisant à terre, que le candidat enjambe par les pas de la maîtrise et le mot substitué est Moaben.

Nul doute que cet ouvrage sera en bonne place dans la bibliothèque de tout-e-initié-e intéressé-e par les fondements et l’historicité des grades bleus du REAA continental.